Article de Naamie Kim (RSEDD 2019) 

 

La gestion des déchets que nous émettons est au cœur des questions environnementales et climatiques et toute opportunité de les réduire est à étudier. La Corée du Sud fait aujourd’hui figure de bon élève en la matière. Tout système est perfectible, pourtant, le modèle de gestion des déchets de la Corée du Sud et son appropriation par la population sont inspirants à plus d’un titre.

 

Les origines d’un intérêt pour les déchets

La petite péninsule sud-coréenne a connu un développement spectaculaire ces dernières décennies, passant d’un des pays les plus pauvres de la planète après la Guerre civile (1953) à la onzième puissance économique mondiale en 2018[1]. Ce développement est dû à une industrialisation accélérée qui a propulsé le niveau de vie des sud-coréens à un niveau comparable à celui des autres pays développés. L’accroissement du pouvoir d’achat couplé à une forte démographie a fait s’envoler la (sur)consommation des sud-coréens… et le volume de déchets émis par le pays jusque dans les années 90. Le mode de vie accéléré des sud-coréens a également favorisé l’utilisation des plastiques à usage unique. Le pays s’est hissé dans la liste des pays qui génèrent le plus de déchets municipaux[2] par an et par habitant (358Kg par an par habitant, volume stabilisé ces 20 dernières années).

Jusque dans les années 90, le volume des déchets et son augmentation fulgurante ne figuraient pas dans les préoccupations du pays.

Pourtant, la densité élevée du pays (densité près de 5 fois supérieure à celle de la France) et le manque d’espace pour déployer des sites d’incinération et d’enfouissement (pays massivement composé de zones montagneuses non « exploitables » et non habitables) ont contraint le gouvernement à s’inquiéter de l’augmentation du volume de déchets généré. Ainsi, la Corée du Sud a dû mettre en place des mesures visant à mieux les prendre en compte et opter pour une gestion adaptée.

 

Mesures gouvernementales en faveur du tri

Dès 1995, le gouvernement sud-coréen met en place un système de redevances basées sur le volume de déchets (Pay as you throw ou Volume Based Waste Fee), dans le but de réduire la quantité d’ordures et d’augmenter le taux de recyclage des ménages, restaurants et petits commerces. Le système est construit sous la forme d’une incitation économique à la réduction des déchets et au soutien du recyclage et vise à réduire l’incinération et l’enfouissement des ordures[3]. Concrètement, les ménages, restaurants et petits commerces s’acquittent d’une taxe en achetant les sacs destinés à recueillir les ordures et qui sont obligatoirement utilisés. La taxe collectée permet de financer le système de traitement des déchets.

En outre, dès 2003, la Corée du Sud ajoute un dispositif de responsabilité élargie du producteur « couvrant les équipements électriques, les pneumatiques, les lubrifiants, les lampes fluorescentes compactes, le polystyrène extrudé et les emballages. […] les producteurs et les importateurs doivent limiter la quantité de substances dangereuses contenues dans leurs produits […]. Par ailleurs, ils collectent et recyclent leurs produits en fin de vie ou paient des redevances de recyclage à l’éco-organisme compétent. »[4] Le dispositif de REP est renforcé en 2006 sur les photocopieurs et imprimantes.

D’autres produits non couverts par le dispositif de REP (chewing gums, couches jetables, cigarettes ou pesticides par exemple) sont taxés en amont auprès des producteurs et importateurs pour permettre de subventionner les installations de recyclage et d’élimination des déchets.[5]

Outre le financement du système de traitement des déchets, toutes les mesures ont naturellement pour vocation d’inciter les industriels à réduire l’impact environnemental de leurs produits et emballages dès leur conception (produits économes en ressources et plus faciles à recycler).

 

Le tri sélectif au quotidien

Pour les déchets alimentaires, plusieurs systèmes coexistent encore à ce jour en fonction de l’équipement de la zone géographique[6]. Certains territoires prévoient que les déchets alimentaires soient disposés dans des sacs biodégradables qui peuvent être achetés dans les commerces locaux. Depuis 2013, certains territoires sont équipés de points de collecte digitaux qui pèsent les déchets et facturent les ménages en fonction du poids.

En complément de la collecte, la lutte contre le gaspillage alimentaire fait l’objet de campagnes de sensibilisation menées par des ONG auprès de la population et notamment des scolaires.

Pour les déchets ultimes, un autre type de sacs normalisés par zone peuvent être achetés, de même que des étiquettes à apposer sur les encombrants en vue de leur collecte. La taxe collectée ne permet toutefois pas, à ce jour, de couvrir la totalité du coût de leur élimination[7]

Enfin, pour les déchets recyclables non alimentaires, un système de collecte gratuite a été mis en place pour :

  • Les déchets aluminium
  • Les déchets en carton
  • Les déchets en papier
  • Le verre
  • Les déchets en plastique dur
  • Les déchets en plastique mou
  • Le fer

Malgré un nombre significatif de catégories à trier, les pictogrammes sur les emballages correspondent sensiblement aux poubelles disponibles ce qui facilite l’exercice.

La réglementation prévoit un système d’amendes dissuasif pour les citoyens qui ne respecteraient pas l’ensemble de ces consignes de tri sélectif. Ainsi, le système semble plutôt bien adopté par les sud-coréens et la poubelle des déchets ultimes ne sert finalement que très peu lorsqu’on respecte scrupuleusement les consignes de tri des emballages.

Outre, les espaces privés, on constate que le tri sélectif a également trouvé sa place dans l’espace public ou dans les établissements scolaires et les bureaux. Chaque espace (y compris chaque salle de classe dans les établissements scolaires) prévoit le nombre de poubelles nécessaire au tri de l’ensemble des déchets identifiés.

Les taux de recyclage publiés par le ministère de l’environnement pour chacune des catégories de produits sont encourageants et montrent même des taux avoisinant les 80% sur les canettes en aluminium, les bouteilles en PET ou encore les bacs en plastique.[8]

 

Débouchés pour le tri

Le tri des déchets s’inscrit dans une démarche globale d’économie circulaire nationale.

De nombreuses infrastructures de traitement et de recyclage, majoritairement privées, se sont développées avec l’appui de subventions publiques et autres avantages fiscaux.

L’essentiel des déchets alimentaires est désormais valorisé en engrais, biogaz et nourriture pour animaux. Alors qu’en 1995, environ 2% des déchets alimentaires étaient valorisés, le volume des déchets alimentaires valorisés s’élève à 95% en 2019[9].

D’autres installations récupèrent les autres déchets recyclables pour les transformer en matières réinjectables et vendables comme matières premières pour l’industrie. Le marché est d’ailleurs stimulé par un système d’échange de matières et produits recyclables et recyclés en ligne.

Le système de recyclage de la Corée du Sud peut être aujourd’hui considéré comme l’un des plus performants de la planète même s’il reste fragile du fait de la méfiance des industriels à l’égard de la qualité des matières recyclées et du fait de la faiblesse du prix des matières premières (pétrole par exemple).[10]

Face à ce (relatif) succès environnemental, il convient de mettre en regard les efforts des industriels quant à l’écoconception. Bien qu’elle fasse partie intégrante de la démarche du dispositif, cette partie semble parfois oubliée par les producteurs et consommateurs. Fiers de la performance du système de tri et de recyclage des déchets, les sud-coréens sont moins proactifs en matière de sobriété sur les emballages.

Ainsi les industriels optent rarement pour une réduction du volume d’emballages. Les produits sont communément protégés par plusieurs emballages successifs et le marketing fait facilement usage d’emballage ludiques et peu écologiques, y compris pour un usage unique.

 

 

 

Sources

[1] https://www.journaldunet.com/patrimoine/guide-des-finances-personnelles/1209268-classement-pib/ consulté le 8 juillet 2020

[2] Désigne l’ensemble des déchets dont l’élimination (au sens donné par les textes législatifs) relève de la compétence des communes. Parmi les déchets municipaux, on trouve les ordures ménagères, les déchets encombrants des ménages, les déchets dangereux des ménages, les déchets de nettoiement, les déchets de l’assainissement collectif (boues de station d’épuration), les déchets verts des collectivités locales.

[3] https://seoulsolution.kr/en/content/6326 consulté le 8 juillet 2020

https://medium.com/@vinceau/dont-talk-trash-about-south-korea-s-waste-management-system-7a11e15ff0e1, consulté le 8 juillet 2020

[4] Case study for OECD project on extended producer responsibility, Republic of Korea, Heo, H. et M.-H. Jung (2014),

[5] https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/sites/default/files/REP_Rapport_Vernier.pdf, consulté le 8 juillet 2020

[6] https://www.intelligentliving.co/south-korea-zero-food-waste/ consulté le 8 juillet 2020

[7] Examens environnementaux de l’OCDE : Corée 2017, OECD Publishing (2017)

[8] Case study for OECD project on extended producer responsibility, Republic of Korea, Heo, H. et M.-H. Jung (2014),

[9] https://www.intelligentliving.co/south-korea-zero-food-waste/ consulté le 8 juillet 2020

[10] Examens environnementaux de l’OCDE : Corée 2017, OECD Publishing (2017)

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